Documents classifies, acces aux renseignements… « Le secret-defense entretient des fantasmes »

Documents classifies, acces aux renseignements… « Le secret-defense entretient des fantasmes »

La justice et les journalistes se heurtent, voili  des decennies, au secret-defense oppose dans de multiples affaires. L’avocat et professeur de droit Bertrand Warusfel milite pour que la loi evolue.

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Le collectif « Secret-defense : 1 enjeu democratique » regroupe des comites de defense dans dix-sept affaires. Parmi elles, la fond suspecte de Robert Boulin en 1979, l’assassinat du juge Bertrand Borrel en 1995 a Djibouti, la mort de deux journalistes francais a Kidal (Mali) en 2013, le genocide des Tutsis au Rwanda en 2014 mais aussi la mort de cinq marins au naufrage du Bugaled Breizh en 2004.

Cinq affaires debattues samedi 27 novembre 2021, a Lisieux (Calvados), sous l’angle du journalisme face au secret-defense. Un theme dont Bertrand Warusfel, avocat et professeur de droit, s’est fera L’expert.

Le secret-defense est-il l’arme absolue des politiques Afin de etouffer des affaires embarrassantes ?

Ce n’est gui?re sa fonction premiere ! Cela s’agit d’abord de classifier des documents afin de maintenir secretes des informations susceptibles de porter atteinte a la securite nationale. Reste a graduer le moment ou l’on classifie et celui ou des tiers, un juge ou des familles de victimes pourquoi pas, veulent avoir acces a ces precisions. L’un des problemes consiste a conserver nos documents classifies durant des decennies, aussi que leur sensibilite reelle a disparu. Souvent avec paresse, un coup le coup de tampon mis.

Le secret-defense reste pourtant indispensable, notamment dans la lutte contre le terrorisme ?

Il va i?tre pleinement legitime. Mais c’est maintenu de maniere abusive. Cela bloque l’action d’une justice, empeche les victimes de savoir et, du coup, nourrit sa suspicion. L’administration n’a peut-etre pas grand chose a cacher, mais avec principe, ne souhaite nullement montrer. Cela entretient les fantasmes et le complotisme.

« Plusieurs documents sous scelles »

Diriez-vous que l’affaire Boulin (1) est l’une des plus emblematiques ?

Complique de faire un palmares… On pourrait alors commencer via l’affaire Dreyfus. Et pour moi, l’affaire votre plus marquante est celle de Ben Barka, enleve et assassine en 1965 (2) : un juge collabore i  nouveau dessus ! Une perquisition a eu lieu en locaux de la DGSE (Direction generale d’la securite exterieure) en 2010. Mais une grande partie des documents saisis ont ete places sous scelles. Notre juge n’y a toujours pas acces.

Notre secret-defense est-il une exception francaise ?

Non, d’ailleurs des accords existent avec d’autres pays Afin de s’echanger des renseignements classifiees. Ce qui differe, ce paraissent principalement nos conditions d’acces des juges au secret. La France fait part des pays plutot fermes.

Quelles sont ses origines ?

Il a toujours existe des habitudes Afin de tenir secretes des renseignements, mais sans que cela soit tres organise juridiquement, jusqu’a J’ai fin du XIX e siecle. Sous une forme moderne, c’est ne en 1939, a la veille une Seconde Guerre mondiale. Mes armees ont institue le « Secret en defense nationale ».

« Contourner le mur »

Il n’y a nullement un probleme de separation des pouvoirs entre executif et justice ?

C’est le c?ur du probleme. Notre secret-defense est une prerogative regalienne. Un pouvoir discretionnaire laisse aux prestations de l’Etat. Dans une democratie, l’autorite judiciaire doit pouvoir controler le travail de l’executif. Avec le secret-defense, votre systeme ne fonctionne nullement puisqu’il laisse le juge a la porte. D’ou la ti?che des journalistes pour contourner le mur, mais en prenant des dangers, y compris de poursuites judiciaires.

Ces dernieres annees, des avancees ont-elles permis d’effectuer evoluer le cadre juridique ?

Le Code penal prevoit que ne vont pas pouvoir etre classifies que des « documents dont la divulgation pourrait nuire a la Defense nationale ». En faits, ceci n’est pas forcement la situation car le cadre est trop sujet a toutes les interpretations. J’ai forcement milite pour retablir un certain equilibre entre des pouvoirs. Un premier pas a ete franchi en juillet 1998 avec la conception d’une Commission du secret en defense nationale (CSDN). C’etait une des propositions de ma these soutenue en 1994.

Comment fonctionne-t-elle ?

Elle est composee de magistrats et parlementaires. Ils ont acces aux documents classes, sans aucune restriction. Ils rendent un avis, favorable ou non, lorsqu’un juge saisit un ministere Afin de declassifier un dossier. Meme s’il est en general suivi, ce qui est un avis. C’est plus que que dalle.

Vous estimez que cela ne va pas assez loin. Que preconisez-vous ?

Deux trucs. D’abord, en amont, obliger les services de l’Etat a declassifier regulierement les documents qui n’ont environ sensibilite suffisante. La plupart des secrets ne valent que quelque temps. Cela faudrait un systeme de revision, avec des sanctions pour ceux qui ne prennent jamais moyen d’effectuer le menage. Ce pourrait etre le role une CSDN d’en effectuer la supervision.

« Des solutions de compromis »

Et Afin de favoriser l’action d’une justice ?

C’est le second point. En aval, je suis partisan qu’un juge puisse acceder au secret, Dans l’optique de voir s’il est indispensable a la manifestation une verite. Depuis vingt annees, on me repond que votre n’est pas possible du fait du principe du contradictoire. Cette garantie majeure des droits en defense permet a l’ensemble des parties de discuter des pieces ayant ete communiquees. Mais pour autant il y a des solutions de compromis.

Lesquelles ?

Un juge peut analyser tout seul le document, et en tirer un resume non confidentiel partage. Cela se fait dans d’autres pays et Notre Cour europeenne des droits de l’homme.

Vous esperez obtenir gain de cause ?

En janvier 2015, le gouvernement a fait passer la loi via le renseignement. Elle permettra surtout de contester devant le Conseil d’Etat des autorisations informations par le Premier ministre?. Les juges ont aussi acces aux secrets, sans i?tre capable de les communiquer. Ce qu’il reste possible de faire concernant le renseignement doit l’etre pour d’autres activites. Donc oui, j’ai bon espoir. C’est le sens de l’histoire. Faisons-le rapidement, par nous-memes, plutot que d’agir en urgence dans une periode de crise de confiance dans la justice, donc dans l’Etat.

(1) Ministre du Travail, le corps est retrouve le 30 octobre 1979 dans un etang d’la foret de Rambouillet (Yvelines). En 1991, une information judiciaire conclut a un suicide. Mais en 2015, le dossier reste rouvert pour « arrestation, enlevement et sequestration suivis de mort ou assassinat ».

(2) Son corps avait ete retrouve dans l’Essonne. Le Marocain, chef de file du mouvement tiers-mondiste et panafricaniste, etait l’un des principaux opposants au roi Hassan II.

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